Depuis plus d’une décennie, le Cameroun est dans une situation très difficile en matière de transparence des informations sur les licences de pêche. Le ministère en charge de la pêche n’a jamais publié sur son site Internet les informations sur les navires de pêche battant pavillon camerounais. Mais depuis deux ans, les choses commencent à prendre une tournure plus positive puisque le pays publie régulièrement les listes des navires autorisés à opérer dans ses eaux.
Pourquoi tarder à mettre en lumière des informations aussi pertinentes ?
L’expansion rapide du secteur de la pêche au cours des cinq dernières années a placé de nombreux pays africains, dont le Cameroun, face à un énorme défi dans la gestion de leur registre de pêche, de leurs ressources halieutiques, ainsi que dans la mise en œuvre effective des mesures de gouvernance, en droit et en pratique. S’il est important de prendre des mesures de transparence, l’accent doit être mis sur la gestion des activités de pêche par les entités gouvernementales, les activités des navires de pêche et la traçabilité des produits de la pêche, du bateau à l’assiette.
Le Cameroun a commencé à publier la liste des licences de pêche en 2023, après que le pays a reçu un « carton rouge » de l’UE pour l’enregistrement continu des navires de pêche soupçonnés d’activités de pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN), opérant en dehors de ses eaux avec un contrôle insuffisant de leurs activités.
Mesures de transparence prises par le gouvernement du Cameroun
Afin de démontrer une forte volonté d’améliorer son comportement, le Cameroun a engagé certaines actions visant à satisfaire à certaines exigences internationales en matière de transparence, comme la publication de sa liste de licences de pêche sur le site Web du ministère. L’une de ces actions pourrait être la révision de la loi sur la pêche du Cameroun pour répondre à des normes internationales plus élevées en matière de gouvernance des pêches. Certains principes de l’Accord sur les mesures du ressort de l’État du port (PSMA), tels que l’équipement des navires de pêche de dispositifs de géolocalisation et la possibilité d’institutionnaliser un programme d’observateurs à bord, ont été consacrés dans le droit national.
En 2023 et 2024 , le Ministère de l’Élevage, des Pêches et des Industries Animales (MINEPIA) a publié sa liste de licences de pêche comme le recommande fortement une organisation non gouvernementale (ONG), Environmental Justice Foundation (EJF), qui a fait ses preuves dans les aspects liés à la transparence et à la gouvernance des pêches. Cette publication a mis en lumière 38 licences de pêche délivrées en 2023 et 39 licences de pêche délivrées en 2024. L’autorité étatique affirme qu’elle « opte pour la transparence dans la gestion des activités de pêche, le suivi, le contrôle et la surveillance de ses navires et l’amélioration de la traçabilité des produits de la pêche ». La liste 2023 a également été publiée sur le Registre mondial de la FAO , un point d’accès unique aux informations sur les navires comme l’illustre la figure ci-dessous :

Il est tout aussi important de sortir de l’ombre le processus d’immatriculation des navires au Cameroun, qui est assuré par le ministère des Transports (MINT). Cette administration a montré une certaine volonté d’améliorer les choses et va s’engager dans le développement d’un système numérique. Cela permettra d’améliorer la traçabilité et le suivi adéquat de la flotte de pêche camerounaise, en particulier de la flotte de pêche INN battant pavillon du pays et opérant en dehors de la juridiction du Cameroun.
Les obstacles à la mise en œuvre efficace des actions de transparence
Goulot d’étranglement administratif
La validation des documents officiels au Cameroun implique des procédures rigoureuses, car de nombreuses étapes doivent être franchies. C’est le cas notamment de la loi sur la pêche, dont la promulgation a pris de nombreuses années et qui est toujours en cours de révision. C’est également le cas du protocole d’accord que le gouvernement devrait signer avec Global Fishing Watch (GFW), une ONG internationale qui se consacre à l’avancement de la gouvernance des océans par la transparence des activités humaines en mer. Tout ce processus ralentit le développement de collaborations stratégiques.
Fonds insuffisants
L’acquisition d’équipements technologiques sophistiqués tels que les systèmes de surveillance des navires (VMS) et les radars pour suivre les activités des navires de pêche INN nécessite de mobiliser des fonds, ce qui est difficile, compte tenu des ressources financières limitées du pays.
Collaboration insuffisante
Les administrations impliquées dans la gestion des pêches n’ont pas suffisamment réfléchi ensemble pour mieux gérer le secteur de la pêche comme c’est le cas du MINEPIA et du MINT, en ce qui concerne l’immatriculation des navires de pêche.
Vers un secteur plus transparent
Recommandations politiques
Il est nécessaire d’adhérer aux accords de pêche tels que le PSMA , qui est le premier instrument contraignant en matière de pêche INN. En outre, le pays doit adhérer à l’ Initiative pour la transparence des pêches (FITI), qui comprend des exigences de transparence pour les informations qui doivent être publiées par les gouvernements. La FiTI aide les pays côtiers à améliorer l’accessibilité, la crédibilité et la facilité d’utilisation des informations sur la gestion nationale des pêches.
Rendre la communication efficace
Plus important encore, pour améliorer la transparence dans le secteur de la pêche, il faut explorer d’autres pistes pour mieux communiquer avec le gouvernement, le grand public, les médias et les communautés côtières sur les questions relatives à la pêche INN au Cameroun.
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